Kankan : le chantier de la centrale solaire bloqué par un conflit d’usage foncier avec le village artisanal
Lancé en grande pompe le 28 août 2024 par le ministre de l’Énergie, Aboubacar Camara, le projet de construction de la centrale solaire à Karifamoriah, situé à seulement 6 kilomètres de Kankan, traverse une impasse préoccupante. Censé résoudre durablement les problèmes chroniques d’approvisionnement en électricité dans la région, ce projet ambitieux demeure à l’arrêt. À ce jour, seules des opérations de décapage ont été réalisées sur le site.
Selon Loncény Dioubaté, PDG d’Enersado, l’entreprise chargée des travaux, plusieurs obstacles freinent l’avancée du chantier. Ce dernier pointe notamment des conflits d’usage foncier, aggravés par des tensions persistantes avec les autorités locales et d’autres intervenants.
Outre les heurts initiaux avec certaines populations locales, qui occupaient illégalement une partie du site, un nouveau défi vient compromettre le projet : la cohabitation impossible entre la centrale solaire et un village artisanal en cours de réalisation. Financé par le ministère de la Culture et du Tourisme, ce dernier occupe trois hectares des 43 prévus pour les panneaux solaires et a déjà entamé sa phase de soubassement.
Loncény Dioubaté, visiblement agacé par la situation, n’a pas mâché ses mots :
« À Siguiri et Kouroussa, nous n’avons rencontré aucune difficulté. Mais ici à Kankan, c’est un véritable problème. Les équipes du ministère de l’Artisanat travaillent sur une partie du site réservé aux panneaux solaires. Si les travaux du village artisanal continuent, je vais arrêter le chantier de la centrale solaire. Les deux projets ne peuvent pas coexister. Le terrain appartient au ministère de l’Énergie et a été réservé pour les panneaux solaires. C’est une décision gouvernementale. Nous étions là bien avant que l’autre projet ne commence. »
Face à cette situation de blocage, les autorités locales se retrouvent devant un dilemme cornélien : prioriser la centrale solaire, un projet stratégique pour l’énergie, en délocalisant le village artisanal, ou maintenir ce dernier, au risque de compromettre encore davantage la mise en œuvre de la centrale.
Enersado affirme avoir multiplié les alertes auprès des autorités compétentes, sans résultat concret jusqu’ici.
« Les autorités nous assurent à chaque niveau que le village artisanal sera délocalisé, mais les travaux continuent. Ils avancent rapidement, fabriquent des briques et poursuivent les constructions. Plus ils progressent, plus cela complique la situation. Tant qu’ils seront là, nous ne pourrons pas travailler », a martelé Loncény Dioubaté.
Malgré les assurances des autorités sur une résolution rapide du conflit, la réalité sur le terrain reste inchangée. L’entreprise Enersado menace désormais de suspendre les travaux si le village artisanal n’est pas délocalisé dans les plus brefs délais.
Pendant ce temps, les travaux du village artisanal progressent comme si de rien n’était, exacerbant un peu plus les tensions. Cette situation soulève des interrogations sur la gestion des priorités et la coordination entre les différents ministères impliqués.
La centrale solaire, perçue comme un projet vital pour Kankan, restera-t-elle à l’arrêt ? Les autorités réussiront-elles à arbitrer ce conflit d’usage foncier pour éviter un blocage total ? La réponse tarde, alors que les habitants de Kankan continuent de vivre dans une précarité énergétique alarmante.Il convient de souligner que les autorités locales de Kankan n'ont pas encore réagi à cette affaire.
Pour l'heure, nous n'avons pas non plus obtenu la réaction des gestionnaires du village artisanal, un autre projet initié par le gouvernement guinéen.
Nous y reviendrons !
Affaire à suivre.
Facely Sanoh pour 224infos